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2 mars 2014 7 02 /03 /mars /2014 19:31

La France n’a pas de politique avec la Russie. Elle s’est fait surprendre comme les Etats-Unis, l’Allemagne, par les évènements survenus à Kiev. Que les Etats-Unis traitent Poutine avec arrogance est probablement une faute, mais relève de la réorientation globale de ses intérêts vers le Pacifique et de son inapplication aux évènements survenant dans la vieille Europe. La surprise de Merkel est peut-être de façade : elle s’aligne sur les positions américaines, mais il semble qu’elle soit en négociations actives, au téléphone, avec les autorités russes. La position française est incompréhensible : elle abdique son autonomie pour suivre aveuglément des  positions américaines sans nuances. Elle a envoyé à Kiev un Fabius qui a négocié un accord entre un président à la dérive et une opposition sans responsables, accord immédiatement mis à la poubelle par les extrémistes de la place Maïdan et quelques oligarques qui ont provoqué le retournement de la majorité des députés. Hallucinant de compromettre le chef de notre diplomatie avec des parties dépassées et de le ridiculiser par la dénonciation immédiate de l’accord négocié. Et, dans la foulée, très logiquement la Russie prend des gages en Crimée pour protéger ses intérêts.

Comment a-t-on pu en arriver là. Pourtant les observateurs avertis l’avaient anticipé depuis longtemps : par exemple Hubert Védrine l’avait dit le 18/9/2008, « après la Géorgie le prochain problème pourra naître en Crimée, vieille terre russe ; le déclencheur pourrait être une remise en cause du statut de base navale russe de Sébastopol ». Mais notre président a préféré une diplomatie du sentiment superficiel, instantané, interférant à l'occasion, avec les affaires internes de la Russie (Droits de l’homme, Sotchi), encourageant le renforcement des liens entre Europe et Ukraine sans tenir compte des intérêts légitimes de la Russie héritière de l’empire russe, de l’URSS de la CEI, s’enthousiasmant d’une révolte de la rue en Ukraine sans se poser la question des manipulateurs.

C’était à la France de soulever au préalable le problème de la Crimée, d’informer des américains trop lointains des enjeux que ce territoire représentait pour la Russie, de faire comprendre qu’il n’y avait pas d’autre solution qu’une négociation directe avec les russes sur l’ensemble des états membres de la CEI, l’organisation fondée sur les ruines de l’URSS. Qu’il était essentiel tout particulièrement de protéger le statut de Sébastopol, de sauvegarder des liens privilégiés entre Moscou et Kiev, au nom d’une histoire séculaire, d’une culture millénaire. Maintenant il est bien tard pour réengager le dialogue, ne pas se faire pièger par des déclarations sommaires sur l'intangibilité des frontières, l'exclusion d'un G8, pour ne plus faire de rodomontades qui n'aboutiront à rien de concret.

Mais de cette crise il faudrait faire l'arme, non pas d'un sauvetage d'un régime putchiste en Ukraine, mais d'une discussion entre européens et russes pour tenter le véritable chantier de l'arrimage de la Russie et de l'Europe.


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