Drôle de match que celui annoncé dans le titre de ce billet. On croirait un match de catch avec ses personnages caricaturés : d’un côté la douce Fiancée et de l’autre la provocante LaFille (tout attaché). Certains s'en désespèreront mais pas de cordes ni de boue pour les départager. C’est bien un duel musical que je propose.
La première a son nom inscrit partout sur les trottoirs jouxtant les salles de concert parisiennes que je fréquente. Et déjà ça, ça m’énerve un peu. Ce tatouage blanc sur le macadam usé, c’est joli pourtant. Surtout que la callygraphie a été habilement choisie. Mais ça m’irrite. En même temps, il faut bien reconnaître que je manque sans doute complètement d’objectivité. N’importe quel autre artiste ayant mes faveurs s’autoriserait ce genre de forme de promotion que je m’extasierais devant l’efficacité du procédé. Mais là impossible. Parce que je ne suis pas très sensible à ce que fait LaFille (l'art de la litote en 10 leçons).
Ca arrive, de temps en temps, que je tombe sur un artiste qui ne me plait pas. J’ai rarement envie d’écrire dessus du coup. Mais la sortie du second EP de La Fiancée m’a donné envie d’écrire à son sujet et la tentation du parallèle était trop forte pour que j’y renonce. Enfin du parallèle... De l’opposition plutôt.
Oui parce que LaFille c’est une jeune femme qui interprète des textes crus dans lesquels elle se dévoile complètement. Sans fard. Exemple avec la description d'un lendemain de cuite décrit dans aujourd’hui je ne me lave pas ou du texte de dans mon appartement. Extrait de ce dernier : « Quand on aura trop fumé, on va baiser, je vais t’offrir mon cul » ou encore de la fille tout(e) attachée « je me vois allongée par terre, le corps en croix et à vous je déclare servez vous, prenez tout ce qui vous fait envie » où l’allusion à des pratiques SM me semble assez transparente.
Crédit photo : Olivier Bernard -Source photo : Myspace de l'artiste : J'adore cette photo!
Pour moi, le monde de LaFille est comme le carrelage de la cuisine sous la plante des pieds nus. Comme lui, il saisit et dérange. Ses descriptions précises et fidèles (trop ?), sans aucune forme d’enrobage poétique sont efficaces pour ce qui est de l’évocation mais terriblement froides. Elles vont à l’essentiel, sans détour. Précision chirurgicale. Glaciale.
Et puis je ne suis pas sensible à sa voix. C'est comme ça.
Crédit photo : Olivier Bernard
(hum, hum, je passe sous silence l'impression que me laisse le geste immortalisé sur le cliché qui précède, geste visant sans doute à signer la rebelle-attitude de la donzelle - vous aurez compris quelle est mon opinion là dessus)
En fait, la plupart des garçons à qui j’en ai parlé et qui ont écouté ses morceaux la trouvent excitante. C’est l’adjectif qui revient le plus souvent dans leurs réactions. Ca ne rate pas, statistiquement c'est même affolant : je leur demande un avis musical et ils me parlent d'excitation alors que les filles sont souvent plus partagées dans leur jugement. Il faut reconnaître qu’elle est jolie et je conçois que son attitude sexy/grunge à la Courtney Love période non destroy (début de polémique : Y’a-t-il vraiment jamais eu ou y’aura-t-il peut être un jour une période Courtney love non destroy ?) peut paraître séduisante aux mâles de mon espèce. N’empêche. Je trouve ça un peu facile, moi. Et je reçois les mots de LaFille comme une claque inattendue et violente.
Il faut pourtant reconnaître que son personnage n’est pas inintéressant. Les titres disponibles sur sa page myspace sont ceux d’une jeune femme libre et libérée, pas timorée, loin de l’image propre et lisse d’une jeune fille rangée. Ceux de l'EP en écoute sur deezer me semblent un peu plus consensuels. Un peu. Quoiqu'il en soit je ne suis pas sensible non plus au ton et à l’esthétique associés à sa musique.
Pour le hiboo'd'live auquel elle a participé elle s'est vraiment donnée mais je ne sais pas, ça ne me parait pas sincère tout ça. Je me rends compte que je prends le risque de passer pour quelqu’un de complètement réac avec l'avis que je défends là mais c’est le mien et j’assume mon côté mère-la-pudeur s’il existe. C’est mon point de vue de fille que j’expose ici.
Et puis entre nous les garçons, je trouve que la sensualité féminine passe aussi par la subtilité. Pour moi, les chansons de LaFille sont à celles de La Fiancée ce que le porno est à l’érotisme. D’un côté vous avez la réalité froide et brutale, dont j’admets qu’elle peut être excitante. De l’autre se trouvent la subtilité et la suggestion, la finesse et la délicatesse des évocations.
Car La Fiancée c’est une voix fragile et légère, une voix qui caresse, pas une voix qui agresse. Ses textes souvent allégoriques sont tout en subtilité et évoquent plus qu’ils ne racontent. Ses mélodies pop tendance variété de qualité (je précise au passage que le terme de variété n'est en aucun cas péjoratif quand je l'emploie) lui sont composées sur mesure par Florent Marchet et Edgar Ficat. Gage de qualité.
La Fiancée c’est aussi une allure délicate de fille très sage avec son carré châtain impeccable, ses traits fins et son teint pâle. Quand elle chante le charme opère à chaque fois, elle arbore souvent un léger sourire qui fait qu'on a l'impression qu’elle s’amuse de se voir là, avec un public devant elle alors qu’elle joue avec les mots.
Son répertoire et son allure rappellent Françoise Hardy chez les femmes et Alex Beaupain chez les hommes (et ceux qui savent combien j’aime ces deux là comprendront que la comparaison est pour moi des plus flatteuses). Même élégance racée, même distinction naturelle. Sans besoin d’en rajouter. Comme Alex Beaupain elle manie les mots avec suffisamment d’habileté pour évoquer des sujets parfois délicats sans jamais tomber dans la vulgarité, piège dans lequel nombreux sont ceux qui ont sombré (suivez mon regard…). Elle ne se contente pas de textes lisses et plats mais elle joue avec les mots et les registres avec dextérité .
Morceaux choisis :
"J'ai cousu sous la lune, nos âmes solitaires, l'ombre de sa peau brune à celle de mes yeux clairs. Je n'ai pas pleuré quand , inconsolable et fière, les tambours l'ennivrant, il repartit en guerre". Le tigre mercenaire
"Cette autre en moi, parfois, qui crie tout bas (..) J'ai peur de moi, tout foutre en l'air, quand je m'balade sans muselière (...) J'ai peur de moi quand vient le soir, peur d'allumer, sans le vouloir, de grands brasiers, dans mes yeux noirs, où vous brulerez sans le savoir". Cette autre.
Le second EP de la fiancée vient de sortir, il est à écouter sur myspace ou deezer et on espère vivement un album dans la foulée pour pouvoir s’immerger un peu plus dans son univers si hospitalier.
Ces deux filles là jouent sur deux registres différents, à vous de faire votre choix : La Fiancée est sensuelle et cérébrale alors que LaFille est sexuelle et animale.
Chacune a son charme, chacun y trouvera de quoi satisfaire son œil et son oreille. A l'issue de ce match là, il n'y aura pas de vraie perdante.
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