« On ne peut pas tout faire à la fois. Gouverner, c’est choisir »
Pierre MENDES FRANCE (1907-1982) – Ancien président du conseil et jamais dans l’erreur
Le centrisme, une idée qui fait son chemin. Premier à dénoncer en 2007 l’envol des déficits budgétaires et reprenant par là un vieux refrain de Raymond Barre, François Bayrou a aussi réussi à imposer dans le débat public l’idée d’un gouvernement d’union nationale face à la crise regroupant autour de lui aussi bien des hommes politiques de droite que de gauche, pourvu qu’ils soient compétents et de bonne volonté.
La droite et la gauche ne sont pas d’accord ? Qu’importe, le centre piochera les meilleures idées de chacun et réconciliera tout ce petit monde. Voila un mythe politique bien français, croire que dans les moments difficiles tout le monde va oublier ses querelles et les enjeux de pouvoir pour collaborer au redressement de la patrie en danger. L’Union sacrée de 1914 ou le gouvernement provisoire de 1944 en sont, il est vrai, deux souvenirs frappants.
Ainsi, les gouvernements de coalition ont souvent bonne presse. Mais si l’union fait la force, elle le fait le plus souvent entre partis de même bord politique. Les alliances entre partis de droite (RPR-UDF) ou de gauche (la gauche plurielle, le Front Populaire, le Cartel des Gauches) sont en effet habituelles, mais il est plus rare de transgresser les frontières politiques.
Ou alors c’est pour en transgresser l’esprit et mieux mettre le doute dans celui de l’adversaire. A l’image de l’ouverture, inventée sous le gouvernement Rocard en 1988, et qui appliquée à la sauce sarkozienne aura consisté à chercher des recrues et l’affaiblissement de l’adversaire, que ce soit le PS de François Hollande (Eric Besson, Jean-Pierre Jouyet, Frédéric Mitterrand) ou le Modem de François Bayrou lui-même (Hervé Morin, Michel Mercier).
Ce goût pour le gouvernement de tous à la fois est assez symptomatique de la difficulté française à vivre la démocratie. Il revient souvent en effet à privilégier un gouvernement de technocrates comme le fait en ce moment l’Italie, où une seule solution - administrative - détient la vérité, où l’on nie la dimension normative de la politique et des choix de société, où l’on veut tout simplement voir des têtes nouvelles en gueulant « Tous pourris ».
Or la démocratie telle qu’elle a été imaginée ne consiste-t-elle pas en un gouvernement d’une seule couleur politique et qui donne la couleur, équilibré par des contrepouvoirs et une opposition constructive, qui remet régulièrement en jeu son pouvoir en acceptant l’alternance ? L’alternance justement, n’est-ce pas opter à tour de rôle entre deux grandes options de société ?
Car s’il veut donner de la voix à une possible troisième voie, Bayrou est avant tout un homme de la démocratie chrétienne, libéral bon teint qui se travestit de temps en temps des habits de la gauche. Deux fois ministre de l’Education dans un gouvernement de droite, c’est bien au centre droit qu’il appartient, même s’il risque d’appeler à voter à gauche au 2ème tour.
Il n’est en réalité qu’un choix de substitution pour ceux qui rejettent les deux favoris et n’osent pas voter FN. Il n’existe qu’en réaction, le centre n’étant jamais que ce qui se trouve entre la droite et la gauche. Alors que chacun reste à sa place et propose sa vision de l’avenir pour notre société, afin que ne se généralisent pas dans notre classe politique les retournements de veste qui sont si courants outre-Atlantique entre démocrates et républicains.