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A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

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11 juillet 2010 7 11 /07 /juillet /2010 23:08

Deux études récemment publiées dans la revue « Neurology » contribuent à renforcer l’hypothèse selon laquelle la dépression constitue un facteur de risque de vieillissement cérébral/cognitif problématique (de « démence »).

L’intérêt de ces deux études est d’avoir mené une exploration prospective (longitudinale) de cohortes (personnes ayant présenté ou non une dépression), ce qui rend possible l’identification du facteur causal présumé du déclin cognitif (en l’occurrence, ici, la dépression) avant l’apparition de ce déclin (la « démence »). Un autre intérêt de ces études est d’avoir utilisé le même outil validé d’évaluation de la dépression (CES-D, Center for Epidemiologic Studies Depression Scale).

Dans la première étude, Saczynski et al. (2010) ont suivi 949 personnes (avec un âge moyen de 79 ans et initialement sans « démence ») pendant une période de 17 ans. Les symptômes dépressifs ont été évalués au début du suivi (de 1990 à 1994) et une dépression a été identifiée chez 13.2% des personnes. Par ailleurs, durant le suivi de 17 ans, 164 participants ont développé une « démence ». Les analyses ont montré que les personnes ayant présenté une dépression ont un risque significativement plus élevé (de plus d’une fois 1 fois et demie) de développer une « démence » que les personnes sans dépression. Ce résultat s’est maintenu après avoir contrôlé l’influence de l’âge, du genre, de l’éducation, ainsi que de la présence d’homocystéine (facteur de risque vasculaire) et de l’allèle E4 du gène de l’apolipoprotéine E (ApoE). Les résultats étaient similaires quand a été incluse la prise d’antidépresseurs dans la définition de la dépression et quand ont été retirées de l’analyse les personnes qui présentaient, au début du suivi, un possible « trouble cognitif léger ».

Dans la deuxième étude, Dotson et al. (2010) ont suivi 1239 personnes âgées (âge moyen de 55.5 ans) pendant une durée médiane de 24.7 ans. Les symptômes dépressifs ont également été évalués au moyen de la CES-D, à des intervalles réguliers de un à deux ans. Les analyses montrent que les personnes qui ont présenté un épisode de symptômes dépressifs élevés ont un risque augmenté de 87% de développer une « démence » et que ce risque est quasiment doublé chez les personnes ayant présenté 2 épisodes ou plus.

Ces données confortent donc l’’hypothèse que la dépression constitue un facteur de risque de vieillissement cérébral et cognitif problématique. De plus, il apparaît que la dépression récurrente est particulièrement pernicieuse et que, à ce titre, elle devrait faire l’objet d’interventions de prévention. Dans ce contexte, il faut rappeler (voir notre chronique « L’efficacité des antidépresseurs : un autre mythe à démonter ! ») l’analyse de Irving Kirsch montrant en quoi les antidépresseurs n’apportent pas plus de bénéfice (ou alors très marginalement) qu’un placebo et sont significativement plus dangereux que d’autres formes de traitement. Par contre, il existe d’autres moyens, psychologiques et sociaux, d’aider les personnes qui présentent des manifestations dépressives et de prévenir la récurrence de symptômes dépressifs.

Dans un éditorial commentant les études que nous venons de résumer, Geda (2010) indique en quoi des recherches ultérieures s’imposent dans le but de tenter d’identifier la nature des mécanismes spécifiques qui relient dépression et risque de « démence ». Il s’agit de déterminer si la dépression constitue réellement un facteur causal direct du déclin cognitif, si elle agit en synergie avec d’autres facteurs ou encore si un facteur causal commun induit à la fois dépression et déclin cognitif. Il s’agirait notamment d’explorer dans quelle mesure la dépression augmente le risque de « démence » via la contribution de facteurs tels que la diminution de l’activité physique ou un moindre engagement social, autant de facteurs qui sont associés à un risque accru de « démence ». Il importe également d’exclure complètement l’hypothèse selon laquelle la dépression ne serait en fait qu’une réponse émotionnelle au trouble cognitif évolutif (même si, dans l’étude de Saczynski et al., l’association entre dépression et risque de « démence » se maintient quand les personnes ayant un possible « trouble cognitif léger » en début de suivi ont été retirées de l’analyse).


depression-age.jpg 

Dotson, V.M., Beydoun, M.A., & Zonderman, A.B. (2010). Recurrent depressive symptoms and the incidence of dementia and mild cognitive impairment. Neurology, 75, 27-34.

Geda, Y. E. (2010). Blowing hot and cold over depression and cognitive impairment. Neurology, 75, 12-14.

Saczynski, J.S., Beiser, A., Seshadri, S., Auerbach, S., Wolf, P.A., & Au, R. (2010). Depressive symptoms and risk of dementia. The Framingham Heart Study. Neurology, 75, 35-41.

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