Depuis quelques jours il est fait état du succès de l'Espagne dont la fin du plan d'aide européen se double d'un retour de la compétitivité.
Les chiffres sont certes éloquents en termes d'échanges extérieurs puisque, selon eurostats les exportations croissent au rythme de 5% depuis janvier 2013 (contre
une baisse de 2% s'agissant de la France). Et l'avenir semble prometteur puisque selon les prévisionnistes, l'Espagne pourrait à l'horizon 2015 disposer d'un exédent courant de plus de 3 points de PIB, ce qui en ferait derrière l'Allemagne l'une des économies la plus compétitive de la zone euro.
Il est vrai que la déflation salariale est un facteur important dans la reprise des exportations. Ainsi COE- Rexecode nous apprend que l'heure de travail manufacturier n'est plus que de 22,7 euros en Espagne contre 28 en Italie et 37,1 en France. De quoi favoriser les délocalisations, notamment l'industrie automobile, qui va faire du pays l'un desgrands producteurs de voitures (11ème place mondiale en 2013).
Précisément, l'industrie automobile est un bon exemple pour nous faire réfléchir sur les notions de compétitivité et de productivité. Partout en Europe les grands
ensembliers disposent d'outils de production comparables. C'est dire que la productivité apparente du travail (nombre d'unités produites par unité physique de travail) est à peu près la même partout. Si donc, il est avantageux de produire en Espagne c'est bien en raison du taux de salaire. Renault crée aujourd'hui 1300 emplois en Espagne, en échange d'une baisse des salaires complétée par de la flexibilité et d'une hausse du temps de travail.
Globalement une partie de la compétitivité retrouvée provient d'une hausse de la productivité, mais cette dernière résulte elle-même des licenciements qui se
sont accumulés depuis 2008 (Les licenciements s'opérent là ou la productivité du travail est la plus faible, et donc le fait de licencier améliore globalement l'efficacité du système productif).
C'est dire que les gains de productivité de 9,8% relevés par eurostats entre 2008 et 2012 ne sont pas dus au progrés technique, mais au seul "dégraissage" qui lui ne peut- en principe - augmenter indéfiniment.
L'Espagne est donc parvenue, sauf nouvelles baisses de salaires, au point où sa compétitivité ne pourra plus s'améliorer sans "destruction créatrice" ou sans progrés technique.
Ce progrés devrait tout d'abord se lire dans l'investissement et surtout la qualité de ce dernier. Or en la matière les chiffrs ne sont guère encourageants. Ainsi l'OCDE nous apprend que l'Espagne est le pays qui aprés la Grèce a connu le gros effondrement de la FBCF. Sur une base 100 retenue pour 2005, elle n'est plus que de 72,7 en 2012. Les chiffres de 2013 confirment une nouvelle aggravation: 69,4 pour le premier trimestre, et 67,9 pour le second. Sans doute cet effondrement est-il dû pour l'essentiel à la quasi disparition de l'immobilier, mais nous ne disposons pas d'informations suffisammant précises sur le redéploiement des investissements par branche d'activité.
Toutefois un autre chiffre vient douter d'une potentielle relance de la productivité, il s'agit de la qualité de l'investissement mesuré par le poids des investissements d'innovation dans le total investi. Ainsi sur la période 2008-2012, ce poids n'est que de 41,5 (41,5% des investissements furent des investissements d'innovation) contre 54,2 pour l'Italie, 53,5 pour la France et 79,3 pour l'Allemange. Clairement l'Espagne ne dispose pas d'un potentiel réel de croissance de la productivité. Hypothése confirmée également par la faiblesse de la stimulation publique qui se traduit par des investissements d'infrastructures plus faibles que dans nombre de pays de la zone euro: 1,5% du PIB, contre 2,1% dans la zone et 3,1% pour la France.
Le contexte de déflation ne serait pas à priori défavorable à l'Espagne avec un glissement de prix de seulement 0,3% contre 0,7% dans la zone euro. Pourtant cette même déflation vient aggraver la poids de la dette espagnole. En novembre 2012 avec encore une dépréciation monétaire de 3,4% le taux d'intérêt réel de la dette publique à 10 ans n'était que de : 6% (taux nominal) - 3,4% = 2,6%. Aujourd'hui en novembre 2013 avec un taux nominal d'environ 4%, Nous avons un taux réel de : 4% - 0,3% = 3, 7 %. Avec une croissance qui reste proche de zéro, le poids de la dette devient insupportable, sauf à imaginer de nouvaux plans de rigueurs avec de nouvelles baisses de salaires....
La compétitivité retrouvée de l'Espagne n'est qu'un faux semblant et les purges qu'elle s'inflige ne peuvent améliorer sa situation.... et ce avec les externalités négatives développées sur les autres pays notamment la France.