Bon, la Justice a tranché. Non, Sophie Robert n’a pas dénaturé les propos des psychanalystes pour les ridiculiser. Son honneur, sa déontologie professionnelle et son honnêteté, qui avaient été gravement entachés par le soupçon lorsque le tribunal de Lille, en première instance, avait censuré son film, se trouvent désormais rétablis, lavés, mis hors de cause. Voici les termes exacts du verdict de la Cour d’appel de Douai :
Les psychanalystes ont cependant, comme démontré ci-dessus, librement accepté que leur image et leur voix soient reproduites par extraits et sans contrôle sur l’œuvre finale et ne peuvent donc reprocher à un réalisateur d’exprimer son opinion personnelle, même s’ils n’ont pas eu connaissance dès l’origine de cette intention, qui a d’ailleurs pu naître en cours de réalisation.
Il s’agit là du principe fondamental de respect de la liberté d’expression des auteurs notamment cinématographiques, comme des journalistes d’investigation.
Dès lors, seule la preuve d’une faute au sens de l’article 1382 du code civil pourrait constituer un abus de ce droit si était rapportée la preuve de la volonté délibérée de la réalisatrice de nuire aux personnes filmées, par une dénaturation manifeste de leurs propos et/ou une présentation tendant à les ridiculiser.
(…)
En conséquence, et faute de rapporter la preuve d’une faute à l’encontre de la réalisatrice dans l’usage qu’elle a fait, au montage, des propos tenus par M. Laurent, M. Stevens et Mme Solano-Suarez,
( …)
Condamne Esthéla SOLANO-SUAREZ, Eric LAURENT et Alexandre STEVENS, in solidum, à payer à Sophie ROBERT et à la SARL OCEAN INVISIBLE PRODUCTIONS la somme de cinq mille euros (5.000€) à titre de provision à valoir sur leur préjudice, outre la somme de cinq mille euros (5.000 €) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles d’appel ; Condamne Esthéla SOLANO-SUAREZ, Eric LAURENT et Alexandre STEVENS, in solidum, à payer à l’association AUTISTES SANS FRONTIERES la somme de cinq mille euros (5.000 €) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles d’appel ;
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes ;
Condamne Esthéla SOLANO-SUAREZ, Eric LAURENT et Alexandre STEVENS aux dépens de première instance et d’appel. (Lire ICI l’arrêt dans sa totalité)
Les 3 psychanalystes qui ont voulu jouer aux censeurs (et, accessoirement, ruiner littéralement Sophie Robert avec des demandes pécuniaires exorbitantes -290.000€, pour être précis- afin de, comme ils l’avaient expliqué, "faire réfléchir à deux fois les journalistes avant d’écrire quelque chose") ne savaient sans doute pas que la censure finit toujours par se retourner contre ceux qui l’exercent.
Il est important de bien préciser que le montant des dommages et intérêts fixés dans le jugement ne sont que des provisions, c’est pourquoi ils sont faibles. C’est juste une provision de principe, forfaitaire, qui ouvre la voie à une nouvelle procédure qui elle fixera le montant des dommages à hauteur du préjudice économique subit par la société de production de Sophie Robert, preuves à l’appui. Il ne faudrait pas que les gens en concluent hâtivement que les juges auraient estimé que le préjudice est faible ; non, ils ont simplement dit : d’accord sur le principe, une nouvelle procédure fixera le montant définitif des dommages à hauteur du préjudice économique subi par la société de production. Et ça risque d’être une somme importante.
Bien sûr, pour ceux qui n’ont pas tous les détails de l’affaire, un doute pourra toujours subsister puisque la justice avait, dans un premier temps, donné raison aux plaignants et condamné la réalisatrice. Et on a toujours tendance à se dire qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Mais l’erreur judiciaire ça existe, et les procès en appel sont là pour cela ! Et l’arrêt de la Cour est contondant : elle « infirme le jugement entrepris » en première instance ! Pour mémoire, la juge qui avait condamné Sophie Robert était la même qui avait annulé un mariage au motif que la femme avait menti sur sa virginité … !!! (voir ICI)
Reste maintenant à voir si les 3 psychanalystes, qui lors du premier procès avaient exigé la publication, aux frais de Sophie Robert, de la décision de justice dans 3 journaux de leur choix, demanderont à ce que le nouveau verdict le soit également dans les mêmes journaux, à leurs frais cette fois-ci, ce qui serait logique, non ? En tout cas, ce serait élégant de leur part. Mais je crains fort qu'ils ne soit pas équipés pour...
Pour l’instant, la presse ne s’est pas trop empressée d’en parler. Bien sûr, la Voix du Nord l’a fait, puisque c’est une affaire « nordiste » (voir ICI).
Rue 89 en fait aussi un compte rendu intéressant (ICI)
Le Monde aussi, sous la plume de Catherine Vincent, s’en fait écho. Mais on sent beaucoup de « réticences » de la part de la journaliste (ce qui peut s’expliquer, peut-être, par le fait que ses deux parents sont des psychanalystes). Voici son texte.
Et voici une très belle réponse de Jacques Van Rillaer, ainsi qu’un très juste commentaire de Pascal Diethelm : « Vous dites: "Une petite révolution, dans un pays où la guerre fait rage, PLUS QUE PARTOUT AILLEURS, entre tenants des approches psychanalytiques (...) et comportementalistes." (je souligne en mettant en majuscules). Il faut mettre vos pendules à l'heure car vous retardez d'une guerre. Partout ailleurs, cette "guerre" est terminée depuis longtemps : la psychanalyse y est reléguée au rang de curiosité historique. (Naturellement, j’aurais pu dire dans ce dernier mot « …à de rares exceptions … » mais cela me faisait dépasser le nombre de caractères limite.)"
Qui a dit, déjà : « La France et l’Argentine sont à la psychanalyse ce que Cuba et la Corée du Nord sont au communisme » ?
Une illustration, du même Pascal Diethelm, résume bien le futur de la psychanalyse:
En tout cas, le plus important est que la censure est tombée et que Le Mur peut à nouveau être diffusé. LE VOICI (avec des sous-titres en plusieurs langues). Le Mur est donc enfin libre!!!
Et, bien sûr, il faut désormais s’attendre à des positionnements des perdants en victimes, le tout étant de la faute du lobby scientiste, de la confrérie cognitivo-comportementale, des labos pharmaceutiques, de l’extrême droite, sans oublier la CIA et la NSA…
Vraiment, « Pourquoi tant de haine ? » vont-ils encore nous sortir…
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Et, hasard du calendrier ?, le Nouvel Obs vient de sortir cela : "Autisme: quand la psychanalyse racontait n'importe quoi". Mais tout le monde sait que l'Obs est vendu aux puissances anti-psychanalyse... Moi, ce qui me surprend, c'est l'utilisation du passé "racontait"...
SUITE
Sur le site de l'Association Française pour l'Information Scientifique (AFIS), une réaction rapide, de très belle facture (voir ICI), signée par Brigitte Axelrad, qui avait déjà coordonné un numéro spécial de la revue Science et Pseudo-sciences consacré à la psychanalyse sous le titre: "Psychanalyse: les dessous du divan" et que vous pouvez consulter dans son intégralité ICI.
Un très complet post de JLR dans Médiapart (ICI) (ci ça marche pas, LE VOICI aussi)
Et vous trouverez TOUT le dossier de presse, dès le début de l'affaire et toujours mis à jour, ICI.